
Ce samedi 1er mars 2025, se déroulait le Fest’Armagnac. Le rendez-vous annuel dédié à l’Armagnac, auquel je n’ai encore jamais participé.
Faut dire que je suis absolument novice en la matière, donc je vais me faire petit, et aller essayer d’apprendre à connaître un peu mieux ce spiritueux qui plaît à de plus en plus de monde.
Pour ceux qui veulent sauter la partie théorique, vous pouvez directement cliquer ici : Mon Fest’Armagnac 2025.
Pour les autres, j’ai essayé de synthétiser les infos au sujet de ce spiritueux que je ne connais que trop peu :
L’Armagnac pour les nuls
Je vous encourage à jeter un oeil au site www.armagnac.fr, dont les infos et illustrations ci-dessous sont tirées.
Histoire :
La naissance de l’Armagnac est la combinaison de 3 cultures : Les Romains pour la vigne, les Arabes pour l’alambic, et les Celtes pour les fûts.
Les Romains occupent cette région du sud-ouest de la France et y cultivent la vigne. Au VIème siècle, le pays est envahi par les Vascons, donnant ainsi le nom de Gascogne.
L’Armagnac est la plus ancienne eau-de-vie de France, on retrouve des traces écrites de son utilisation en 1310, où l’on vantait déjà les vertus de cette Aygue Ardente dans le livre de Maître Vital Dufour, Prieur d’Eauze et de Saint Mont « Pour garder la Santé et rester en bonne forme ».
Les premières traces de commercialisation datent de la première partie du XVème siècle, et l’Armagnac devient alors un produit courant sur les marchés des Landes, auquel on prête de nombreuses vertus thérapeutiques.
Au XVIIème siècle, les Hollandais se mirent à acheter de grandes quantités d’alcool distillé à partir des vins d’Armagnac pour enrichir et stabiliser les vins qu’ils fournissent aux peuples du Nord de l’Europe.
C’est à partir de 1730 que l’on se met à utiliser des fûts en bois pour conserver l’Armagnac. On en découvre alors le vieillissement.
La seconde partie du XIXème siècle voit alors la qualité devenir au coeur des préoccupations des négociants et producteurs.
Après le fléau du phylloxéra en 1870, seul 1/4 des 100 000 hectares de vigne sera replanté et le Décret du 25 mai 1909 délimite la zone de production des eaux-de-vie d’Armagnac et ses trois régions, tandis que le Décret du 6 août 1936 définit l’Appellation d’Origine Contrôlée Armagnac et ses conditions d’élaboration.
Les terroirs

En Armagnac, ils sont au nombre de 3 et constituent environ 15000 hectares de vigne, dont 5.300 identifiés pour produire exclusivement de l’Armagnac.
- Le Bas-Armagnac, avec sa capitale Eauze, à l’ouest du pays d’Armagnac, s’étend sur une partie des départements des Landes et du Gers et représente 67 % des surfaces identifiées en Armagnac.
- L’Armagnac-Ténarèze, autour de Condom, couvre le nord-ouest du Gers et le sud du Lot-et-Garonne. Elle représente environ 32 % des surfaces identifiées en Armagnac.
- Le Haut-Armagnac, dit Armagnac Blanc en raison des calcaires qui affleurent dans cette partie du pays, comprend l’est du département du Gers et une partie du Lot et Garonne.
La vigne
Dix cépages sont autorisés dans l’élaboration de l’Armagnac :
- L’Ugni-blanc (vins acides, peu alcoolisés)
- La Folle Blanche (cépage historique, le plus connu)
- Le Baco (cépage hybride, plus robuste, fils de la Folle Blanche et du Noah)
- Le Colombard (plus confidentiel, utilisé en assemblage pour les Vins de Pays des Côtes de Gascogne).
- Le Plant de Graisse, La Clairette de Gascogne, Le Jurançon blanc, Le Meslier Saint François ou le Mauzac blanc et rosé (seulement représentés par quelques hectares de vigne)
Distillation
Le vin est souvent distillé à la propriété, parfois avec l’aide d’un distillateur ambulant (ou « bouilleur ambulant »). Il peut également être produit chez des bouilleurs de profession ou des caves coopératives.
La quasi totalité (95%) de l’Armagnac est obtenu avec un alambic en cuivre très spécifique, appelé l’alambic continu armagnacais.
Le vin alimente en permanence l’alambic par le bas du réfrigérant. C’est grâce à lui que les vapeurs d’alcool contenues dans le serpentin se refroidissent. Il est conduit vers la colonne où il descend de plateau en plateau jusqu’à la chaudière. Sous l’effet de la forte chaleur produite par le foyer, des vapeurs de vin remontent à contre courant et « barbotent » dans le vin au niveau de chaque plateau. Elles s’enrichissent de l’alcool et de la majorité des substances aromatiques du vin et sont condensées puis refroidies dans le serpentin.
À la sortie de l’alambic, l’eau-de-vie est incolore, son degré alcoolique peut varier de 52% à 72%.
Les 5% restant sont produits à partir d’un alambic double-chauffe, par tradition et attachement, principalement.

Vieillissement
Dès sa distillation, l’Armagnac est mis en vieillissement dans des « pièces » : des fûts de chêne de 400 litres issus pour l’essentiel des forêts de Gascogne ou du Limousin.
Ces pièces sont entreposées dans des chais où la température et l’humidité sont importantes pour la qualité du vieillissement. Dès lors, le maître de chai surveille l’évolution de ses eaux-de-vie :
- l’extraction des composés tanniques et aromatiques de la pièce
- l’évaporation d’une partie de l’eau-de-vie et la diminution du degré alcoolique (environ ½ degré par an), c’est la « part des anges »
- l’évolution des arômes issus du bois et du vin par une lente oxydation de l’Armagnac au contact de l’oxygène de l’air à travers le fût.
Les eaux-de-vie restent en pièces neuves jusqu’au moment où la dissolution des matières du bois est optimale. Elles sont ensuite transférées dans des fûts plus âgés pour éviter un goût de bois excessif et continuer leur lente évolution : les substances boisées s’affinent, des arômes de vanille et de pruneau se développent, le caractère « rancio » apparaît, et le degré alcoolique diminue progressivement par évaporation de l’alcool. L’eau-de-vie prend une belle couleur ambrée puis acajou.
Au bout d’un certain nombre d’années, évalué par le maître de chai, qui peut aller de 50 ans environ, à plus encore, les eaux-de-vie sont mises sous verre, afin que l’extraction du bois ne se fasse plus, lorsque l’on estime que sa qualité est à son apogée : ce sont les fameuses « dame-jeannes », précieusement conservées dans les « paradis »…
Les assemblages et réductions
Comme pour le rhum ou d’autres spiritueux, des assemblages de plusieurs distillats peuvent être réalisés.
Un ajout progressif de petites quantités de « petites eaux » (mélange d’armagnac et d’eau distillée) permet de baisser le taux d’alcool à la valeur souhaitée (40% minimum) .
Les millésimes
Le millésime correspond à l’année de récolte.
Dans le cas d’Armagnac millésimé, les embouteillages sont souvent réalisés « brut de fut », le vieillissement en chai humide ayant favorisé une évaporation plus importante de l’alcool.
Les parfums de l’Armagnac
Les arômes de l’Armagnac se déclinent naturellement avec l’âge des eaux-de-vie. Le coeur de la palette ci-dessous représentée donne des repères d’âge.

Mon Fest’Armagnac 2025 :
Rendez-vous est pris par cette belle journée fraîche et ensoleillée dans le bâtiment de La Grande Poste de Bordeaux.
Pour l’occasion, je suis accompagné d’un ami d’enfance, Pierre-Henry. Si je n’y connais vraiment pas grand chose en Armagnac, lui est totalement néophyte en matière de spiritueux. Mais c’est l’occasion de se retrouver, de passer un bon moment ensemble, et de se cultiver.

C’est également avec plaisir que je retrouve l’ensemble des potes amateurs de rhum (et pas que, la preuve !) du coin.
D’ailleurs, c’est à chaque fois sur les conseils de l’un ou de l’autre que j’irai passer du temps sur un stand ou sur un autre.
Je n’ai bien évidemment pas pu tout faire, l’idée étant de conserver un nez et un palais suffisamment « frais » pour apprécier et savoir dire autre chose que « top », « glou-glou » ou « bof ». Promis, l’an prochain je rendrai visite à ceux que j’ai zappés cette année.
Pas de note de dégustation ici, j’ai privilégié l’instant présent et surtout le partage.
Une constante que j’ai pu retrouver sur tous les stands : un accueil chaleureux, authentique, et un réel plaisir à échanger et partager leur passion et leur savoir-faire. Merci à tous et à l’année prochaine !

Superbe accueil de la part de Sylvain Lafargue, Romain Bodenan et Cindy Crighton, qui n’ont pas été avares en explications. Échanges très sympas !

Une Blanche pour démarrer la journée et « se faire le palais ». Pas trop mon truc, mais normal, c’est plutôt destiné à la mixologie.

Issu de vin de Folle Blanche, et âgé d’une douzaine d’années, le profil est plutôt axé sur les fruits à coque et le miel, avec un côté assez minéral.

Ce XO est un assemblage de Colombard et d’Ugni Blanc, avec un vieillissement d’au moins 10 ans.
Une structure charpentée et fruitée.

Un Ténarère 2011, 100% Baco, et très expressif en bouche. Un peu de solvants, de l’abricot, des épices et des fruits à coque.

Le futur embouteillage des copains de chez POH : Un Ténarèze 1988 qui sort un peu de la trame classique. Normal, c’est un peu leur créneau, de nous surprendre (agréablement) avec leurs sélections.
Plutôt végétal, beurré, avec un boisé gras, pas mal de cire et de miel.

Tout juste embouteillée à partir d’un fût provenant du domaine Pouchegu, ce millésime 1982 fait partie de la collection « Rare Armagnac Cask », et est constitué à 100% d’Ugni-Blanc.
Des fruits confits, du vernis, du caramel, un boisé fondant … magnifique !

Une production qualifiée d’artisanale, voire familiale, à partir d’un unique cépage (Baco).
La chauffe est faite au bois de la propriété, et les volumes produits sont restreints.
Là encore, en écoutant Colette Remazeilles nous raconter son Armagnac, on avait l’impression d’être ses invités.

100% Baco, millésime 1999
Un profil assez classique, on retrouve la puissance aromatique du cépage Baco, et ses notes de noix, de fruits confits, de massepain, et de boisé/beurré.

100% Baco, millésime 1984
Ca part très vite sur la noix, les fruits confits, le massepain et les épices, avant qu’un rancio assez prononcé ne s’installe.

100% Baco, millésime 1982
Une entame poivrée, piquante, qui nécessite sans doute davantage d’aération que ne le permet une dégustation dans un salon. Pour le reste, la trame est conforme aux millésimes précédemment goutés.

100% Baco, millésime 1976
Le plus abouti de la line-up. Il nécessite également une aération plus longue, mais on sent dès le départ un bel équilibre.
Les arômes attendus sont là, peut être manquent-ils un chouïa d’intensité … A tester plus posément.

Toujours un plaisir de croiser la team Swell De Spirits, ici représentée par Alric !

Un Charron 2008, brut de fût, 100% Baco.
Des épices, du vernis, quelques notes fumées, du chocolat noir.

Également en provenance du domaine de Charron, distillé en 1996, brût de fût 100% Baco.
Fruits rouges bien mûrs, chocolat noir, épices.
Grande puissance et belle longueur.

Un assemblage de la maison Jean Cavé, millésime 1990.
Des fruits à coque portés par des esters, et des fruits confits allant de la prune aux écorces d’oranges.
Grande longueur.

Encore un assemblage de la maison Jean Cavé, distillé en 1979.
Un boisé puissant et bien gras, de belles épices intenses.
Un profil empyreumatique qui reste longtemps en bouche.
Celui que j’ai préféré parmi la sélection Swell De Spirits.

Prochaine sortie de chez Swell De Spirits, Sister Cask de l’embouteillage Flashback #5 (étiquette référence aux Daft Punk), ce Mestepes 1990 tient toutes ses promesses.
Des fruits exotiques en compote, de la noix, de la réglisse.

On pourrait passer des heures à écouter Rémi Brocardo nous expliquer son métier, à la fois vigneron, producteur, mais également distillateur auprès d’une vingtaine de domaines avec son alambic ambulant. Chouette moment !
Et comme c’était juste après la pause déjeuner, on s’était remis le palais à zéro pour en profiter au mieux.

Ténarèze 1995, 100% Ugni Blanc
Du caramel, de la compote de fruits exotiques, un petit côté cireux : ça démarre fort, ce second acte !

Ténarèze 1990, 100% Ugni Blanc
Des solvants, du pruneau, un boisé très gras, et des épices intenses.

Ténarèze 40 ans, 100% Ugni Blanc
Là, on monte d’un cran, ce n’est plus la même catégorie.
On retrouve une trame faite de noix, de pruneaux, de confiture de figues, agrémentée de chocolat noir, de tabac et de cire.
L’équilibre est parfait.

Trop de monde devant le stand pour prendre le temps de s’attarder sur l’ensemble de la gamme présentée chez Darroze. On y reviendra une autre fois …

Un seul embouteillage testé, du coup : un millésime 1990 produit par assemblage de 80% de Baco et 20% d’Ugni Blanc.
Des épices, du chocolat noir, et un rancio assez marqué sur la finale.

Encore un stand où l’accueil était très sympa, avec les maitres de chai Ghislain Laffargue et Léa Tailhades. Cette dernière nous a fait faire une petite line-up des millésimés présentés, agrémentée d’éléments d’histoire de l’Armagnac.

Un assemblage de plusieurs cépages, vieillis a minima 25 années.
Caramel, épices, chocolat noir et rancio.

Un 100% cépage Folle Blanche 2010.
Des notes d’agrumes, d’abricot, de caramel, avec un côté fumé et des notes vineuses.

Single Cask 1992, présentant des arômes de fruit confits, d’agrumes, de bois imprégné d’essence de vanille, de rancio, avec un léger fumé et une pointe mentholée sur la finale.

Single Cask 1981.
Un cran au dessus des précédents en termes d’intégration de l’alcool et d’homogénéité des composantes aromatiques.
La noix et la figue prédominent.
Le rancio est parfaitement fondu dans le boisé, la vanille est douce.

Encore une fois magnifiquement accueilli sur le stand tenu par Nelly Lacave, qui a repris le flambeau du domaine familial.

Brut de fût 2006 :
Arômes de fruits confits et d’épices d’une grande intensité.

Brut de fût 1992 :
Un boisé bien gras et une vanille intense. Belle sucrosité sur la longueur..

Brut de fût 1988 :
Comme le précédent, une trame vanillée, boisée, laissant une trace beurrée en bouche.

Brut de fût 1977 :
Un boisé un peu plus présent, quelques notes fumées, et toujours des épices bien présentes en bouche.

Brut de fût 1975 :
Un millésime qui a trouvé sa maturité : Tout en équilibre entre le boisé, les épices, les fruits confits.

Victoire Piquemal, qui dirige aujourd’hui le domaine avec son frère, est d’une gentillesse incroyable. Un vrai moment de bonheur, ces quelques dizaines de minutes à gouter quelques uns des nombreux embouteillages présentés.

Folle Blanche 2004
A la fois floral et fruité, légèrement relevé par le poivre, et une petite touche de menthol sur la fin.

Folle Blanche 1986
Sans doute mon plus gros coup de coeur de ce Fest’Armagnac.
Tout en équilibre avec des arômes intenses, un boisé fondant, des fruits secs bien sucrés, de la prune bien mure, et une jolie fraicheur mentholée.
J’adore !

Assemblage de cépages Baco et Ugni Blanc, millésime 1978
Du fruit confit, une pointe mentholée, un joli boisé gras : A l’aveugle, j’aurais à coup sûr plongé en annonçant un TDL 2002. Il s’en est fallu de peu qu’il ravisse la première place.


Saint Martin 1992 – 100% Baco
Ca démarre fort sur la compotée de fruits du verger, le caramel, mais j’ai trouvé que les arômes disparaissent trop vite après l’apogée.

Pébérère 1985 – Ugni Blanc et Baco
Très belle longueur, on s’éternise sur le fruit confit, le bois puissant et le miel.

Pébérère 1973 – Ugni Blanc et Baco
Joli nez puissant et riche.
Forte présence de noix, astringence en bouche, moka, chocolat noir.
Belle longueur.
Conclusion :
Une bien belle journée de découverte et d’échanges, pas moins de 34 armagnacs testés (et 2 rhums !).
Si je devais faire un top 3 de la journée, je mettrais (sans classement) :
- Domaine de Danis 1986
- Hontambère 1982
- Swell Jean Cavé 1979
Merci à tous pour l’accueil et pour l’organisation.
A l’année prochaine, le Fest’Armagnac !